samedi 14 décembre 2013

"Ce sont les aléas du métier" disaient-ils...

(Article écrit en novembre 2011)

Petite introduction :

Dans cet article je n'y vais pas de main morte sur le fonctionnement de la clinique psychiatrique où je travaillais à cette époque ainsi que sur le comportement de certains collègues. Cela ne concerne que ma propre expérience et ma vision des choses, ce n'est en aucun cas une généralité. De plus, compte-tenu du thème de l'article, j'utilise beaucoup l'ironie pour dédramatiser les choses, mon but n'étant pas de faire pleurer dans les chaumières mais de mettre la lumière sur un événement qui pourrait arriver à monsieur et madame tout le monde.

Bonne lecture !



Monsieur Idouapartir est un patient de la clinique psychiatrique. Depuis maintenant deux ans, il est hospitalisé pour une grave dépression survenue à la suite d'une rupture sentimentale. Cela ne fait « que » deux ans qu'il est dans les locaux et déjà, on peut dire qu'il fait partie des meubles.

Il est connu de tous les patients, surtout des patientes d'ailleurs. Dans son fidèle apparat, tong/short/chemise hawaïenne, il ère dans les couloirs. Il ressemble à un touriste du Club Med qui tente de « conclure ». Et contrairement à Jean-Claude Dusse, il s'avère que pour lui ça fonctionne ! Comme quoi, entre service psychiatrique et agence matrimoniale, il n'y a qu'un pas.

Ce monsieur se sent bien à la clinique. A tel point, qu'il a décidé après deux mois d'hospitalisation de rendre son logement. Pourquoi payer un loyer alors qu'il n'y vit pas ? Il y est chez lui. Un chez lui « gratuit », qui commence à déranger le psychiatre en charge de son suivi.

Un matin, comme à mon habitude, je relève le courrier dans mon casier. Ne travaillant qu'à mi-temps pour cent patients, mon casier souffre du syndrome des tupperwares. Vous savez, (je suis sure que ça n'arrive pas qu'à moi) lorsqu'on ouvre le placard pour prendre un tupperware et que la magnifique montagne de boîtes, très étudiée pour ne pas tomber, s'écroule littéralement sur votre nez... Et bien, c'est qu'il se passe avec les courriers dans mon casier. Donc, comme tous les deux jours, je me prends la masse de courriers sur le nez. Et c'est en ramassant la dizaine de lettres au sol, que je tombe sur un morceau d'article de journal, plus précisément de la page des petites annonces, avec écrit au stylo dessus :

«  Concernant la chambre n°123, doit partir. Pas de CMU, pas de mutuelle, plus malade mais encore dans le service. Lui trouver un logement ce mois-ci »

Le genre de petit mot que j'adore. Analysons son contenu :

  • Pas de signature, mais au regard de l'écriture, ça doit être un médecin.
  • « La chambre 123 »... Hmm hmm, un médecin qui ne connaît pas le nom du patient.
  • « Plus malade mais encore dans le service »... Parce que c'est à moi de décider quel patient peut sortir ou pas ? Il s'agit d'un médecin qui ne connaît pas son boulot.
  • « Lui trouver un logement ce mois-ci »... Et c'est un médecin qui ne connaît pas la difficulté de trouver un logement !

L'auteur de ce mot doux identifié, je m'en vais à sa rencontre.

Le docteur Jesuibiento- Alaretraite, est, comme son nom l'indique en fin de carrière. Il s'agit du type d'homme qui a le don de m'agacer : très sur de lui, séducteur, qui n'a pas besoin d'écouter les patients pour deviner ce qu'ils ont, qui vous fait des transmissions sur des bouts de cartons à pizza ou d'articles de journaux, et qui facture des consultations aux patients en permission de sortie (donc à des patients qu'il n'a pas vu)

Ce médecin m'explique alors qu'il juge l'état de santé de monsieur Idouapartir stable depuis un long moment et qu'il serait temps qu'il quitte la clinique. D'autant plus que ce monsieur est « logé, nourri, blanchi aux frais de la princesse depuis des mois » puisque le forfait hospitalier n'est payé par personne. Et qu'il s'agit là d'un patient « non rentable pour la clinique ».

Le décor est posé.

Le jour même, je m’attelle à la tâche. Durant plusieurs mois, je recherche activement une solution de sortie pour ce monsieur : j'épluche les petites annonces, je dépose des demandes de logement chez tous les bailleurs sociaux du territoire, je contacte les CHRS et les résidences sociales.

Et cela porte ses fruits :
  • 2 propositions de logement en HLM : monsieur les a refusées, il voulait absolument un balcon !
  • 1 place en résidence sociale : refusée par monsieur qui n'avait pas envie de se retrouver « avec des cas-soc »
  • 1 place en CHRS (foyer d'urgence) : je vous laisse deviner sa réponse...

Après toutes ces mises en échec, j'explique à ce monsieur qu'il ne trouvera pas tout de suite le logement de ses rêves, que sa facture à la clinique augmente chaque jour, qu'il est en surendettement et que pour éviter d’aggraver sa situation, il serait préférable qu'il accepte cette place en CHRS qui est ma dernière carte.

Il refuse.

Je suis fatiguée. Mes congés approchent. Je perds patience.

Avant de partir en congés, j'explique mes démarches et ces refus au docteur Jesuibiento-Alaretraite. Il suggère que nous mettions une date ultimatum à monsieur Idouapartir, pour le secouer. Le docteur va se charger de lui annoncer la date butoir, à savoir un délai de deux mois comme nous l'avons décidé ensemble, à laquelle monsieur devra quitter la clinique.

Petite aparté : Avec le recul j'ai honte d'avoir cautionné cette histoire d'ultimatum sans même avoir pris le temps de chercher à comprendre pourquoi monsieur Idouapartir mettait systématiquement en échec les solutions de sortie que je lui proposais... Les joies des débuts !

Après trois semaines d'absence, me voici de retour à la clinique, les joues rosées par le soleil des vacances, la bonne humeur due au repos. Je vide mon casier... Enfin, il se vide sur moi. Je découvre un nouveau petit mot mystérieux :

« Monsieur Idouapartir doit te voir absolument aujourd'hui. Il sort cet après-midi »

Il sort ? Trois semaines après l'annonce de l'ultimatum ? Il a trouvé un lieu où loger, bonne nouvelle !

Justement, monsieur Idouapartir m'attend dans la salle d'attente. Il veut me voir tout de suite. Il est souriant.

Je l'invite à s'installer dans mon bureau, je suis contente pour lui, sincèrement. Je commence la conversation :

  • Alors c'est le grand jour ? Vous sortez ?

Monsieur souri.
Se met debout.
Il prend sa respiration puis se met alors à hurler, m'insulte. 

Je tente d'apaiser les choses en lui expliquant que je ne comprends pas ce qu'il veut dire et lui demande de se rasseoir.


Toujours debout, il lève les bras au ciel.
Devient rouge, la colère monte.
Abaisse ses poings sur mon bureau, en frappant si fort que mon bureau s'écroule sous la force du coup.

Mes mains tremblent. Je ne comprends absolument pas ce qu'il se passe.

Je regarde autour de moi : je suis assise sur mon siège de bureau, contre le mur, avec un bureau effondré à mes pieds. La porte d'entrée se trouve derrière monsieur. Ma fenêtre est à sa gauche, inaccessible.

Je sens ce qu'il va se passer. Je vais mourir.

Tout se passe très vite, la scène me semble durer une éternité.

Il attrape chaque élément de mon ordinateur, les lance contre le mur, juste à côté de ma tête.
Il hurle, pousse des cris effrayant.
Mon téléphone subit le même sort.
Il prend mes dossiers, les vide un à un par terre.

Tout vole autour de moi, je suis incapable de bouger, je le regarde s'agiter, impuissante, contrainte d'attendre que cela se termine.

Il prend alors un morceau de mon bureau et me frappe avec au visage. 
Mon oreille droite siffle. J'ai mal à la tête. Je suis toujours assise sur mon siège de bureau...

Il quitte mon bureau. Enfin c'est terminé.
« Je vais la quitter ta clinique, je suis à la rue à cause de toi. Je dors où moi ? Je connais ta voiture, je t'attendrai sur le parking il n'est pas filmé »

La porte se ferme. Je suis seule au milieu de tout ça. Je tremble. Les larmes coulent toutes seules sans que je ne réagisse.

Pas de collègue. Personne n'est venu m'aider. Je ne peux plus bouger. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé, ce que j'ai fait. J'ai horriblement mal à la tête et ce sifflement qui n'en fini plus...

Soudainement, la secrétaire entre dans le bureau et m'hurle : « Qu'est-ce que tu fous, ça fait vingt minutes que j'essaie de t’appeler, ton rendez-vous t'attend ! »

Elle découvre alors les dégats, me voit assise par terre et va chercher de l'aide.

Les choses vont ensuite très vite, je ne réalise pas ce qu'il vient de se passer :

  • La police est venue chercher monsieur Idouapartir à la clinique
  • On m'a conduite à l'hôpital pour me soigner et faire constater le coup
  • Je n'ai pas voulu porter plainte contre monsieur Idouapartir.* Ma chef l'a donc fait en son nom à ma place. Je n'ai pas voulu rester à l'hôpital.
  • Devant le manque de solidarité et d'aide des collègues, devant le manque de sécurité que je ressentais désormais au boulot, j'ai exercé mon droit de retrait et le délégué syndical a réclamé un bureau moins isolé. Ce qui n'a pas plu à ma chef qui banalisait la situation « ce sont les aléas du métier » disait-elle. 
  • J'ai obtenu un bureau moins isolé mais en contre partie, je devais justifier heure par heure de mon emploi du temps et faire la manche pour avoir un stylo, un nouvel ordinateur et un nouveau téléphone !
  • J'ai eu mal à la tête durant quelques jours, un bel hématome sur la joue, une belle frayeur mais rien de grave.

Cet événement, ajouté à la mauvaise ambiance générale dans la clinique et au 90 km qui me séparaient de ce boulot, m'ont conduit à démissionner quelques mois après, le temps pour moi de trouver un nouvel emploi.

Il m'a fallu quelques semaines pour ne plus avoir peur d'aller travailler dans cette clinique. Systématiquement une collègue m'accompagnait sur le parking car je craignais les représailles annoncées.

Après cet événement, j'ai appris à aménager mon bureau pour pouvoir sortir rapidement en cas de nouvelle agression et je songe à prendre des cours d'escalade pour le cas où, mon futur bureau se trouverait à l'étage !

* Après l'agression, j'ai enfin pu savoir ce qui avait conduit ce monsieur a réagir ainsi (préparez-vous au coup de grâce) : le docteur Jesuisbiento-Alaretraite était allé le voir dans sa chambre la veille de mon retour de congés, pour lui annoncer l'ultimatum dont nous avions convenu... Ou presque. Puisqu'en réalité, il a annoncé à monsieur qu'il était exclu de la clinique dès le lendemain, à la demande de l'assistante sociale !

mercredi 11 décembre 2013

Et si c'était vrai ?

(Article écrit en novembre 2011... Mais d'actualité chaque hiver !)

L’automne… quelle joie, n’est-ce pas ?

J’aime bien cette saison mais je déteste l’état dans lequel elle me met. 
Oui, la bonne excuse me direz-vous, il faut bien un coupable autre que moi-même, je ne peux pas TOUJOURS porter le chapeau !

Je vis assez mal les changements de saison en fin d’année. L’automne, l’hiver… Le froid, les lèvres gercées, les gros pulls en laine qui rendent les cheveux électriques, et les pare-brises à gratter…esprit-malin-miroir.jpg

Depuis le début du mois je me sens fatiguée, un peu lassée de tout, un état constant au boulot mais qui disparaît instantanément quand je rentre chez moi.

Chaque matin lorsque je quitte mon lit, ma couette me dit « s’il te plait, ne m’abandonne pas encore une fois » et ça me fend littéralement le cœur alors j’ai tendance à la consoler, me re-glisser sous elle, même si je suis en retard, juste quelques minutes. 

Et après, durant toute la journée, je pense à elle. Elle me manque tout particulièrement juste après le repas du midi, quand je bois mon thé et que ma digestion est en plein rush.

Je m’égare un peu, je ne pensais pas faire un article sur cette folle passion que je vis avec ma couette mais bien de vous parler de mes doutes du jour : je crois qu’il y a un esprit malin dans mon bureau. Mais pour cela, je dois d’abord revenir à mon état lié au changement de saison, je ne tiens pas à passer pour une folle !

Comme je le disais plus haut, je suis constamment fatiguée. Pour remédier à cela, je n’hésite pas à sortir l’artillerie lourde : gelée royale bio pure et bien dégueu avant le petit déj pour me protéger des microbes, cure de vitamines grâce aux kiwis, oranges et autres légumes, masque de beauté au yaourt et aux concombres pour les cernes, gousse d’ail émincée sous l’oreiller au coucher pour favoriser le sommeil et je vous en passe. Mais rien n’y fait, je reste quand même fatiguée.

Imaginez donc. Je suis déjà de nature tête en l’air, alors quand la fatigue s’en mêle, ça donne des résultats cocasses :
- Je cherche le pain dans le frigo
- Je mets mon sachet de thé directement dans la bouilloire et sans eau
- Je renverse presque quotidiennement mon thé au ptit-déj, mais maintenant j’anticipe je mets des bâches sur mon canapé et ma table !
- Quand on me parle, j’acquiesce mais j’oublie quelques minutes après…
- Je perds des affaires…

Et c'est là que je voulais en venir.

Je perds mes affaires. J’oublie des choses…

Mais évidement ce n’est pas moi ! Je suis bien trop organisée et ordonnée pour que ce soit de ma faute. Et comme je suis seule dans mon bureau, il y a forcément un coupable extérieur.
Alors j’en déduis qu’il y a esprit dans mon bureau, et je dirai même plus, un esprit malin puisque je ne le croise jamais, qui joue avec mes nerfs.

Je pose mon stylo à côté de mon téléphone. Je prends un dossier dans l’armoire. Je veux reprendre mon stylo… mais il n’est plus à côté du téléphone.

Je soulève toutes les feuilles traînant sur mon bureau, regarde par terre, sur mon siège… J’examine de loin l’ensemble de mon bureau, au cas où… Rien… Je ne trouve rien, mon stylo est porté disparu.
Je résous alors le problème très rapidement : je vais chercher un nouveau stylo, le glisse dans ma poche.
Puis je reviens dans mon bureau, le téléphone sonne. Je m’empresse de décrocher, je cherche des yeux un stylo (j’ai déjà oublié que j’en ai un nouveau dans la poche) et j’en trouve un à côté de téléphone. Ça tombe bien !

La conversation terminée, je constate que j’ai un stylo dans la main, un dans le dossier éparpillé sur mon bureau et un dans la poche…

Il y a donc forcément un esprit dans mon bureau qui me joue des tours, je ne vois pas pourquoi je m’amuserai à me piéger toute seule… Comme le disent Eric et Ramzy : « Nous ne voyons pas d’autre explication. »

lundi 9 décembre 2013

Autopsie d'un bureau d'assistante sociale

(Article écrit en décembre 2011)

Aujourd'hui, j'ai pris une grande décision : j'ai rangé mon bureau !

Vue du fond :

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1 : Affiche permettant de décorer tout en faisant bureau d'assistante sociale, avec de grands messages de prévention qui font peur...

2 : Armoire contenant les 91 dossiers dont j'ai la charge. Ainsi qu'un rayonnage spécial "fourre-tout" au 3e !

3 : Désodorisant "sent bon" régulièrement indispensable après les rendez-vous...

4 : Le coin cadeaux des résidents. Le bourriquet est mon cadeau de bienvenue, je ne sais pas s'il avait un message derrière.

5 : Carton à archives contenant les dossiers des résidents ayant quitté le foyer, autrement appelé le carton "j'en fais quoi de celui là ? Bah je vais le mettre sur la chaise tiens ! "


Vue de profil :

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1 : Casiers permettant de trier les courriers, fax, mails et articles dont je ne sais pas quoi faire, selon une hiérarchie très précise : les "je lirai ça plus tard", les "je vais le garder on ne sait jamais", les "Bon ça j'en fais quoi ? Je vais le mettre là", et enfin, les brouillons.

2 : LE panneau d'affichage avec les tous les barèmes divers et variés de mes amis CPAM, Pôle Emploi et autres CARSAT, les cartes postales reçues des résidents repartis au pays en vacances, les faire-part des collègues...

3 : Le bol à thé, indispensable pour lutter contre la famine de 10h et de 16h.

4 : Mes autres fidèles amis les post-it, qui d'habitude font le tour de mon écran et qui me permettent de me souvenirs de ce que je dois faire !

5 : Mon fond d'écran : " Les assistantes sociales apportent aux familles joie et santé ", affiche du ministère de la santé (1945 ?). 


vendredi 6 décembre 2013

Le rhume de Rafiky

(Article écrit en 2011)

Depuis que je travaille en foyer de travailleurs migrants, je constate que bien souvent lors des entretiens avec les petits papys, le thème des intestins et de leur bon fonctionnement fait irruption. Qu’il s’agisse de constipation, de diarrhée et autres petits plaisirs digestifs, tout y passe !


De nature, je suis ouverte et parle très librement de transit intestinal et de « petits tracas quotidiens » autour d’un repas copieux ou d’un apéro entre amis. Je n’irais pas jusqu’à dire que du coup, lors de ces entretiens je suis dans mon élément mais cela ne dérange en aucun point. En revanche, il y a des liquides et déchets humains qui m’écœurent : les postillons, le vomi, les crottes d’yeux et… Les crottes de nez !

C’est là, que mon histoire commence…

Rafiky est l’aîné de mes suivis. Du haut de ses 88 ans, il a l’allure d’un grand sage africain : le foulard qu’il porte sur la tête à la manière des nomades du désert, sa hauteur, sa canne et sa façon très lente de parler en roulant les « R ».
Il est mon premier suivi du foyer, il a vécu beaucoup de choses et le savoir qui en découle est impressionnant. C’est un papy moderne. Chaque jour, il me téléphone avec son portable pour me demander s’il peut venir me dire bonjour. Il en est fier, il a réussi à mettre le numéro de mon bureau dans son répertoire, tout en haut de la liste !

Rafiky m’appelle « ma fille » ou « ma belle » voire même « ma belle fille » et lorsqu’il raccroche au téléphone, il dit toujours « allez grosses bises » et éclate de rire. Un rire très communicatif, donc difficile de ne pas en faire autant.
Lorsqu’il vient me voir au bureau, c’est avec son sac plastique jaune contenant la totalité de sa vie sur papier : avis d’impositions de 1972 à 2010, certificats de travail, notification de retraite, titres de séjour depuis son arrivée en France, photos de sa famille, de ses voisins, du foyer… Et ses petits bonbons à l’eucalyptus qu’il me donne à chaque visite et dont mon tiroir de bureau est plein ! Car je dois l’avouer, je déteste les bonbons à l’eucalyptus et les refuser serait insultant pour lui.

Comme à son habitude, Rafiky vient me voir aujourd’hui à la permanence. Sa canne d’une main, son sachet jaune de l’autre. Sa doudoune Décathlon au dessus de son boubou (choc des cultures !) Ses lunettes rafistolées sur le nez et son grand sourire.

« Toc, toc, toc ma belle c’est monsieur Rafiky qu’il est là »

Au programme du jour : lecture des courriers reçus, déclarations CAF à remplir, prestation supplémentaire à demander à la CPAM pour sa dernière hospitalisation, déclaration des revenus 2009 aux impôts à faire (il est temps me direz-vous, j’ai découvert ce manquement il y a peu !), puis écoute d’un nouvel épisode du parcours de vie de Rafiky.

« Vous semblez encombré quand vous respirez, vous êtes malade ? »
« Ah suis malade oui, j’a les rhumes, la gorge, le nez »
« Vous êtes allez voir votre médecin ? »
« Non je va l’aller après toi »

Et là, c’est le drame !

Victime de son rhume, Rafiky éternue bruyamment et visuellement si fort que j’en ai mal aux naseaux pour lui. J
e vous passe les détails mais là c’est insupportable pour moi : il y en a partout ! Dans sa moustache, sur mon bureau et jusque mon clavier d’ordinateur !

Je me retiens de saisir mon manugel pour en asperger la surface de mon bureau !

Premier réflexe : « Et bien, à vos souhaits ! » m’obligeant à laisser le regard sur mon cahier, unique rescapé de l’avalanche.

Deuxième réflexe : « Bon je ne vais pas vous retenir monsieur, allez vite chez votre médecin vous n’êtes pas très en forme ! » Ouvrir la porte du bureau et attendre debout à côté de la porte, position qui permet de mettre dehors quelqu’un de manière polie et explicite !

Troisième réflexe : Surtout ne pas regarder le bureau, courir aux toilettes piquer environ 4 mètres de PQ, les imbiber de manugel, et tout en regardant le plafond, essuyer le tout… Non pas étaler, essuyer !

Quatrième réflexe : Aller raconter la mésaventure à sa collègue !