jeudi 29 août 2013

L'homme qui criait "au secours" mais qui ne voulait pas qu'on l'aide...

Francis a du mérite.

Chaque jour, il parcourt les deux heures de transports en commun qui le séparent de son studio à son travail. Il est auxiliaire de vie. Il aime son métier plus que tout et son employeur est entièrement satisfait de ses compétences. D’ailleurs, il tient à Francis, un homme auxiliaire de vie, qui de plus, accepte de travailler les week-ends et jours fériés, c’est une perle rare.

Francis est coquet, quand il part travailler ou lorsqu’il profite de son temps libre, il est toujours apprêté, parfumé, bien coiffé, le ménage dans son logement fait. Il est dynamique, farceur, de bonne humeur.


Avec un tel tableau, on pourrait se demander pourquoi son chemin à croisé un jour mon bureau et pourquoi depuis une petite année, son studio se trouve juste au dessus de ma tête.

Francis a un gros problème, il est amoureux. Et quand il est amoureux, rien ne va plus. Pour sa belle, il est prêt à tout. Tout comme pour sa belle précédente, et celle d’avant encore.

Il ne fait pas les choses à moitié, il aime passionnément avec un grand P et s’investit à corps perdu dans sa relation, notamment par le biais de sa carte bleue. Car Francis a une âme bonne, il ne lui manque que les collants et la cape rouge pour qu’on puisse l’appeler « Super Francis ». Il a besoin d’aider les gens pour se sentir exister, pour dominer.

Il a ce don vicieux pour rendre ses conquêtes dépendantes à son compte en banque. Ainsi, il s’acoquine avec des dames seules en situation précaire, ayant un passé douloureux, très souvent parsemé de violences conjugales et lorsqu’il y a des enfants, c’est d’autant mieux pour fermer le piège de Francis.

Ce sauveteur des âmes échouées est à lui seul une véritable arme de destruction massive. A trop vouloir aimer, être aimé et aider, il devient un prédateur dangereux. Le fait-il consciemment ? Sa bonté le dépasse-t-elle ? A défaut de contrôler sa propre vie, ressent-il le besoin de contrôler celle des autres ?

Quoiqu’il en soit, Francis est dans une pente descendante, il ne va pas bien, je dirai même qu’il saute en chute libre sans parachute.

Quand une dame lui porte un peu d'intérêt, il est dans la reproduction et le schéma suivi est très scrupuleux :

  • Il rencontre une dame, une relation débute et un avenir commun se dessine très rapidement dans la tête de Francis. Il fait des recherches sur internet, consulte les petites annonces pour trouver la maison idéale qui pourra accueillir sa nouvelle famille. Il vient me voir pour me faire part de cette rencontre, de son bonheur. Son visage est rayonnant, ses yeux pétillent et je ne peux m'empêcher de l'alerter sur ses expériences précédentes... Alors il est déçu et croit que je ne veux pas qu'il soit heureux.

  • Cette dame rencontre des difficultés financières, elle ne travaille pas et élève seule ses enfants. Francis ne supportant pas de voir cette famille en précarité, va spontanément leur prêter main forte : une machine à laver qui fuit ? Pas de soucis, Super Francis va en acheter une nouvelle pour vous ! Besoin d’une voiture pour chercher du travail ? Ne vous inquiétez pas, Super Francis a touché un héritage l’année dernière !

  • La relation se poursuit doucement mais elle commence à battre de l’aile après seulement quelques semaines. Il faut dire que Francis prend beaucoup de place et est étouffant. Il souhaite devenir le nouveau père des enfants de la dame et tente d’imposer sa vision de leur éducation, il souhaite de nouveaux enfants.

  • La maison, les enfants, ce ne sont pas les projets de cette dame ? Bah oui mais ce sont ceux de Francis ! Alors quand la dame finit par demander à Francis de calmer ses ardeurs, il ne comprend pas, se sent désarmé. Lui qui fait tout pour aider cette dame. Il sent que sa relation se fragilise. Il sort donc sa première carte : celle de la corde sensible. « J’ai eu une enfance difficile, tu ne peux pas m’abandonner ». La dame émue, cela permet de prolonger les espoirs désespérant de notre super héros d'une nouvelle semaine.

  • Certes, il n’a pas eu une vie facile, mais tout de même il faut dire ce qui est, Francis est un pot de colle. Ne supportant plus cela, la fameuse dame décide de mettre fin à cette relation qui l’empoisonne et qu’elle ne peut pas contrôler. Mais Francis, sort sa seconde et ultime carte : « Puisque c’est ça, je vais rentrer chez moi et me suicider. Ce sera ta faute ! »

  • Et quand un super héros est en difficulté, c’est un autre super héros qui entre en scène: Super Tante Sociale !
Quand Francis décide de mettre fin à ses jours, son traitement de choc est de s’anesthésier le cerveau à raison de 5 à 6 bouteilles de whisky bon marché par jour.

C’est lorsque je ne le vois plus passer devant mon bureau, tout apprêté pour aller travailler, que je m’inquiète et que je vais frapper chez lui pour voir ce qu’il se passe.

Et lorsqu’il m’ouvre, je découvre un homme au regard gorgé d’alcool, portant des vêtements avec diverses tâches, titubant et tenant debout grâce à la porte de son logement qui me dit « je crois que ça ne va pas, je ne sais plus quoi faire »…

Alors j’entre dans son logement, mes chaussures collent au sol car des bouteilles ont été renversées, un savant mélange d’odeur d’urine, de tabac froid et de fumée de cigarette se consumant dans le vide (je vous passe les autres odeurs corporelles liées à l’abus d’alcool) me titille les narines et m’oblige à ouvrir la fenêtre.

Francis est méconnaissable. Dans ces moments, il sait que je refuse que nous commencions à discuter trop longtemps. Je n’ai pas envie d’entendre ses délires d’ivresses et cela ne fera pas avancer la situation. Alors je vais droit au but :

  • Vous avez bu combien de bouteilles aujourd’hui ?
  • Vous avez pris des médicaments ?
  • Vous n’avez pas mangé depuis combien de temps ?
Entre chaque question, Francis me fait part de ses envies suicidaires.

Au début, cela m’inquiétait, me faisait peur. Aujourd’hui, parce qu’à peu près chaque mois cela se produit et parce que j’ai vu une psychiatre lui poser ces questions aux urgences, je reste très distante :

  • Comment vous pensez le faire ?
  • Quand allez-vous le faire ?

Je connais les limites de mon boulot et mes limites personnelles aussi. J’ai cette crainte constante de le retrouver un jour décédé dans des conditions que je n’ose pas imaginer.

Je me sens démunie, je ne parviens pas à l’aider et mon seul moyen de le protéger et de me soulager durant une demi-journée c’est de contacter les secours, qui l’emmènent aux urgences le temps qu’il décuve puis le font sortir et retour à la case départ.

Alors cette fois, lassée de ces appels au secours et des mains tendues qu’il refuse, et avec l'appui d'un infirmier en addictologie, j’ai mis Francis au pied du mur :
“Si vous me dites ça, c’est que vous voulez que je vous aide. Je vous propose de vous accompagner pour vous soigner et pour commencer un vrai travail sur vous-même avec un psychologue, mais vous refusez. Je ne suis pas infirmière, ni médecin. Je ne peux pas vous aider autrement. Donc soit vous me demandez de ne plus vous aider et de ne plus m’inquiéter pour vous et dans ce cas, je veux que vous me l’écriviez tout de suite. Soit vous me dites ce que vous attendez de moi et vous acceptez de vous faire accompagner.”

Et cette fois, face au non-choix, il a accepté les soins.

Je l’ai donc accompagné aux urgences moi-même et depuis 2 semaines, Francis suit une cure loin de cette dame.

Le problème de Francis ne sera pas réglé après cette cure, il devra absolument poursuivre ses soins en commençant une thérapie avec un psychologue. Mais durant cette cure, il est à l’abri et entouré.

Je déteste avoir à en arriver là, je ne suis pas à l’aise avec le rôle de “méchante” mais s’il y a bien une chose que j’ai apprise sur le poste que j’occupe depuis quelques années, c’est que parfois il faut forcer la main et ne pas avoir peur de secouer les personnes que l’on accompagne quand notre unique but est de les aider.

La tante sociale emménage !




Oyé oyé les amis !

Soyez les bienvenus à ma pendaison de crémaillère virtuelle ! 

C'est désormais à cette nouvelle adresse que vous pourrez suivre mes aventures, l'ancienne adresse du blog n'existera plus à compter du 1er octobre 2013.

C'est suite à des difficultés d'utilisation de la plateforme de gestion Overblog (qui hébergeait mon précédent blog), que j'ai décidé de déménager. En effet, comme certains d'entre vous ont pu le constater mon dernier article ne s'affichait pas entièrement, il manquait la fin des phrases. Ceci était du au fait que j'avais choisi de faire un ravalement de façade du blog et le modèle choisi (comme tous les autres modèles) me limitait dans la mise en page de mes articles. En plus clair : je ne pouvais plus changer la police d'écriture, mes écrits avaient un nombre de caractères limités, les sauts de lignes étaient systématiquement supprimés... Bref, ces restrictions ne me convenaient plus ! Et je n'avais que deux solutions, soit payer un abonnement à Overblog pour faire partie des privilégiés qui ont le droit de changer de couleur leurs écrits ; soit de quitter Overblog.

Mon choix a donc été vite fait ! 

J'espère que ce nouvel espace sera tout autant agréable que l'ancien pour vous et plus simple de gestion pour moi !  

Comme toute pendaison de crémaillère, tous les cartons ne sont pas encore déballés et je ne sais pas encore précisément comment je vais placer mes meubles ici. Les premières mises à jour seront donc simplement les transferts de mes articles de mon ancien blog vers celui-ci.

Mais n'oubliez pas de vous (ré)inscrire à la newsletter, cela vous permettra d'être informé par mail dès qu'un nouvel article sera publié ! 

Merci d'être passé trinquer avec moi et à très bientôt !!!