dimanche 1 décembre 2013

Ni hérisson, ni paillasson !

(Article écrit en Mai 2012)

« Fini de s'énerver, de perdre le contrôle, de « piquer » tel un hérisson. Mettons fin aux humiliations et ne nous laissons plus marcher dessus, NOUS-NE-SOM-MES-PAS-DES-PAILLA-SSONS. Non, non, et non ! »
 
Le ton est donné.
 
Premier jour de formation pour « apprendre à parler en public », mais pas uniquement (ce serait trop facile sinon) plus précisément pour « apprendre à parler en public dans le secteur médico-social » car c'est connu et reconnu, quand on s'adresse à une assemblée de médico-socialeux, il faut savoir parler leur langue.
 
Un programme alléchant pour les plus timides d'entre nous en quatre points :
  • Acquérir une boîte à outils pour capter et maintenir la relation avec son auditoire
  • Développer ses capacités d'expression orale
  • Accroître son aisance personnelle et professionnelle
  • Apprendre à imposer naturellement sa présence et s'affirmer dans un groupe pour gagner en impact
 
Le tout en cinq jours et pour seulement 2000€ (hors frais de restauration et de déplacement).
 
Comme le veut la tradition, cette formidable journée au pays des « coach professionnel » débute par un tour de table durant lequel chacun se présente selon la stricte consigne : qui je suis, ce que je fais dans la vie, pourquoi je suis là et ce que j'attends de cette formation.
 
Nous sommes quatre participantes, totalement inconnues les unes pour les autres. La parole est à nous.
On se regarde dans le blanc des yeux quelques secondes.
Personne ne se jette à l'eau.
L'une des participante, rouge écarlate, me lance un regard de merlan frit, j'ai l'impression que ses yeux me disent « pitié, sauve l'honneur de notre patrie, vas au combat ! »
Ca m'énerve déjà. Je prends la parole.
Ma présentation, succincte, droit au but, pas de blabla inutile, semble satisfaire la coach. De nouveau, les regards se croisent, on attend que quelqu'un ose enfin poursuivre le tour de présentation.
 
Loooooooong silence.
 
Une voix se fait entendre, très faible. J'entends un mot qui se termine par « ine », heureusement l'image est sous-titrée grâce à une petite affichette posée devant la personne, cela me permet de comprendre qu'elle vient de dire son prénom. Pour la suite, plus délicate à interpréter, un flot de larmes et une respiration entrecoupée de trac rendent inaudible le discours.
 
Je regarde cette personne pleurer à chaudes larmes. La formation a commencé depuis trente minutes et je me demande vraiment ce que je fais là...
 
Cinq mois plus tôt...
 
Décembre 2011.
J'ai rendez-vous avec ma chef pour mon entretien annuel d'évaluation. Pour ceux qui ne connaissent pas ce type d'entretien, il s'agit d'un temps pris avec la hiérarchie pour exprimer ce qui va et ce qui ne va pas dans notre quotidien professionnel. C'est aussi le moment idéal pour évoquer nos projets (avoir un temps plein, demander une augmentation, une année sabbatique, reprendre les études, souhaits de formation), nos besoins (plus de stylos bleus que de noirs, une nouvelle imprimante qui fait les recto-verso toute seule), nos relations avec les collègues...
 
C'est un temps pour se poser et prendre du recul sur sa pratique. Je sais, cette phrase fait très copié-collé des objectifs officiels mais je le pense sincérement. On y aborde notre organisation de travail, notre positionnement professionnel, notre connaissance des procédures.
 
A partir de tout cela, l'entretien annuel d'évaluation se conclut par des objectifs individuels à atteindre au cours de l'année suivante. Evidement, dans le but de continuellement améliorer sa propre pratique. Et c'est généralement à ce moment là que notre supérieur se lâche et nous dit ce qu'il pense de nous :
 
« - Cela fait maintenant un peu plus d'un an que tu es dans notre association. Je te perçois comme un élément rassembleur dans l'équipe, neutre. Tu es à l'écoute de tes collègues mais ne prend pas part aux commérages et aux conflits quand il y en a. Et c'est là que je veux en venir. Tu ne prends pas suffisament part à mon goût. En réunion d'équipe, je ne t'entends pas assez. J'aimerai que tu exprimes plus souvent ton avis, que tu participes davantage aux débats. Qu'en penses-tu ? 
 
-Euh...(pas le temps de formuler une réponse) 
-Tu es quelqu'un de réservé, tu analyses beaucoup les choses et d'ailleurs tes analyses sont souvent fines. J'aimerai que tu partages cela davantage avec l'équipe. Je pense que ta timidité et ton manque de confiance en toi te bloquent pour y arriver, non ?
 
- Bah je...(pas le temps de répondre)
- Donc j'y ai réfléchi et je pense qu'une formation pourrait t'aider. On met ça dans tes souhaits de formation ?
 
(Là faut que je parle vite si je veux réussir à dire quelque chose avant d'être coupée... Prêt ? Go !)

- Je manque de confiance en moi et je n'ose pas toujours dire ce que je pense en réunion. Mais avec le temps et l'expérience, je suis davantage à l'aise. De là à faire une formation spécifiquement pour ça, je ne sais pas. Je suis de nature réservée, j'aurai beau suivre des formations et des thérapies, je le serai toujours. Mais ça ne m'empêche pas de m'exprimer et de dire ce que je pense lors des réunions, quand je vois que mon avis n'a pas encore été dit par quelqu'un d'autre. Certes, je le fais moins facilement que d'autre, mais je le fais.
 
- Pas suffisamment. Donc je te propose deux objectifs : le premier, je veux t'entendre parler au moins une fois à chaque réunion d'équipe. Le second, cette formation.
- Et si je n'ai vraiment rien à dire à une réunion, je perds des points ?
- Tu es intelligente et tu as des choses à dire, je veux les entendre. Et cette formation ?
- Honnêtement, je n'en ai pas envie, mais j'ai comme l'impression de ne pas avoir le choix, je vais dire que je suis d'accord et que de toute façon, peu importe la formation, il y a toujours quelque chose à en tirer. Et au passage, tu vois que je sais dire ce que je pense !
- Parfait. Tu vois que tu es intelligente !

Mouais...
 
 
Cinq mois plus tard...
 
M'y voici à cette fameuse formation et au final je m'amuse. 
Pas parce que la coach est volontairement drôle mais parce que j'ai l'impression d'être à cette formation en tant qu'observatrice. Un peu comme si je flottais au dessus des participants et que je regardais le déroulement de la journée. Je m'amuse de voir les autres participantes prendre pour argent comptant et parole de bible tout ce que dit cette coach, de les voir prendre note de la moindre syllabes sortant sa bouche allant même jusqu'à sortir le dictaphone pour ne pas en perdre une miette.
 
Les test de personnalité à la « Jeune et Jolie » pour savoir si je suis plutôt pour les ronds, les triangles ou les carrés ; les abrévations mnémotechniques du type « pensez P.P.P. comme Présence Physique Positive » et les apports théoriques tels que « le but est d'apprendre à circuler sur la même autoroute de communication que les autres » s'enchainent, j'ai l'impression d'être dans le film « Le séminaire » et j'apprends que j'ai un cerveau gauche.*
 
La journée s'achève, le slogan de la formation est annoncé "ni hérisson, ni paillasson", quatre jours sont encore à venir... J'ai hâte de connaître les résultats des test de personnalité pour lesquels j'ai du répondre en procédant par élimination puisque je ne me retrouvais pas dans les réponses !
 
 
 
 
* Pas de lien avec un parti politique ou avec la main que j'utilise pour écrire. Mon cerveau gauche est le résultat d'un test démontrant que j'ai une préférence pour les faits, les chiffres et les mots, les détails, les choses organisées, construites,cérébrales et méthodiques. Concernant les cerveaux droits, leur letmotiv est l'affectif, ils ont une préférence pour les images, les dessins, ne voient pas les détails mais l'ensemble, sont extravertis, vivent dans un « bordel organisé ». Si vous voulez vous amuser à savoir de quel bord est votre cerveau, regardez l'image qui suit. Vous voyez une vache ? Normal, vous regardez l'ensemble, vous êtes cerveau droit. Vous voyez l'Europe vue du ciel ? Normal aussi, vous passez en revue les détails et cherchez où se trouve la France. Vous êtes cerveau gauche ! Autre test avec le logo de Carrefour : vous voyez deux flèches (une rouge et une bleue), vous êtes cerveau gauche. Vous voyez un C sur un losange rouge et bleu, vous êtes cerveau droit.
 
vache.giflogo-carrefour.png

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