(Article écrit en Mai 2012)
« Fini de s'énerver, de perdre le contrôle, de « piquer » tel un hérisson. Mettons fin aux humiliations et ne nous laissons plus marcher dessus, NOUS-NE-SOM-MES-PAS-DES-PAILLA-SSONS. Non, non, et non ! »
« Fini de s'énerver, de perdre le contrôle, de « piquer » tel un hérisson. Mettons fin aux humiliations et ne nous laissons plus marcher dessus, NOUS-NE-SOM-MES-PAS-DES-PAILLA-SSONS. Non, non, et non ! »
Le ton est donné.
Premier jour de formation pour « apprendre à parler en public », mais pas uniquement (ce serait trop facile sinon)
plus précisément pour « apprendre à parler en public dans le secteur médico-social » car c'est connu et reconnu, quand on s'adresse à une assemblée de médico-socialeux, il faut savoir
parler leur langue.
Un programme alléchant pour les plus timides d'entre nous en quatre points :
-
Acquérir une boîte à outils pour capter et maintenir la relation avec son auditoire
-
Développer ses capacités d'expression orale
-
Accroître son aisance personnelle et professionnelle
-
Apprendre à imposer naturellement sa présence et s'affirmer dans un groupe pour gagner en impact
Le tout en cinq jours et pour seulement 2000€ (hors frais de restauration et de déplacement).
Comme
le veut la tradition, cette formidable journée au pays des « coach
professionnel » débute par un tour de table durant
lequel chacun se présente selon la stricte consigne : qui je suis,
ce que je fais dans la vie, pourquoi je suis là et ce que j'attends de
cette formation.
Nous sommes quatre participantes, totalement inconnues les unes pour les autres. La parole est à nous.
On se regarde dans le blanc des yeux quelques secondes.
Personne ne se jette à l'eau.
L'une des participante, rouge écarlate, me lance un regard de merlan frit, j'ai l'impression que ses yeux me disent « pitié,
sauve l'honneur de notre patrie, vas au combat ! »
Ca m'énerve déjà. Je prends la parole.
Ma
présentation, succincte, droit au but, pas de blabla inutile, semble
satisfaire la coach. De nouveau, les regards se croisent, on
attend que quelqu'un ose enfin poursuivre le tour de présentation.
Loooooooong silence.
Une
voix se fait entendre, très faible. J'entends un mot qui se termine par
« ine », heureusement l'image est sous-titrée
grâce à une petite affichette posée devant la personne, cela me
permet de comprendre qu'elle vient de dire son prénom. Pour la suite,
plus délicate à interpréter, un flot de larmes et une
respiration entrecoupée de trac rendent inaudible le discours.
Je
regarde cette personne pleurer à chaudes larmes. La formation a commencé
depuis trente minutes et je me demande vraiment ce que je
fais là...
Cinq mois plus tôt...
Décembre 2011.
J'ai
rendez-vous avec ma chef pour mon entretien annuel d'évaluation. Pour
ceux qui ne connaissent pas ce type d'entretien, il s'agit
d'un temps pris avec la hiérarchie pour exprimer ce qui va et ce qui
ne va pas dans notre quotidien professionnel. C'est aussi le moment
idéal pour évoquer nos projets (avoir un temps plein,
demander une augmentation, une année sabbatique, reprendre les
études, souhaits de formation), nos besoins (plus de stylos bleus que de
noirs, une nouvelle imprimante qui fait les recto-verso
toute seule), nos relations avec les collègues...
C'est
un temps pour se poser et prendre du recul sur sa pratique. Je sais,
cette phrase fait très copié-collé des objectifs officiels
mais je le pense sincérement. On y aborde notre organisation de
travail, notre positionnement professionnel, notre connaissance des
procédures.
A
partir de tout cela, l'entretien annuel d'évaluation se conclut par des
objectifs individuels à atteindre au cours de l'année
suivante. Evidement, dans le but de continuellement améliorer sa
propre pratique. Et c'est généralement à ce moment là que notre
supérieur se lâche et nous dit ce qu'il pense de
nous :
« - Cela
fait maintenant un peu plus d'un an que tu es dans notre association.
Je te perçois comme un élément rassembleur dans
l'équipe, neutre. Tu es à l'écoute de tes collègues mais ne prend
pas part aux commérages et aux conflits quand il y en a. Et c'est là que
je veux en venir. Tu ne prends pas suffisament part à
mon goût. En réunion d'équipe, je ne t'entends pas assez. J'aimerai
que tu exprimes plus souvent ton avis, que tu participes davantage aux
débats. Qu'en penses-tu ?
-Euh...(pas le temps de formuler une réponse)
-Tu
es quelqu'un de réservé, tu analyses beaucoup les choses et d'ailleurs
tes analyses sont souvent fines. J'aimerai
que tu partages cela davantage avec l'équipe. Je pense que ta
timidité et ton manque de confiance en toi te bloquent pour y arriver,
non ?
- Bah je...(pas le temps de répondre)
- Donc j'y ai réfléchi et je pense qu'une formation pourrait t'aider. On met ça dans tes souhaits de
formation ?
(Là faut que je parle vite si je veux réussir à dire quelque chose avant d'être coupée... Prêt ? Go !)
-
Je manque de confiance en moi et je n'ose pas toujours dire ce que je
pense en réunion. Mais avec le temps et l'expérience, je
suis davantage à l'aise. De
là à faire une formation spécifiquement pour ça, je ne sais pas. Je
suis de nature réservée, j'aurai beau suivre des
formations et des thérapies, je le serai toujours. Mais ça ne
m'empêche pas de m'exprimer et de dire ce que je pense lors des réunions,
quand je vois que mon avis n'a pas encore été dit par
quelqu'un d'autre. Certes, je le fais moins facilement que d'autre,
mais je le fais.
- Pas suffisamment. Donc je te propose deux objectifs : le premier, je veux t'entendre parler au moins une fois à chaque
réunion d'équipe. Le second, cette formation.
- Et si je n'ai vraiment rien à dire à une réunion, je perds des points ?
- Tu es intelligente et tu as des choses à dire, je veux les entendre. Et cette formation ?
-
Honnêtement, je n'en ai pas envie, mais j'ai comme l'impression de ne
pas avoir le choix, je vais dire que je suis
d'accord et que de toute façon, peu importe la formation, il y a
toujours quelque chose à en tirer. Et au passage, tu vois que je sais
dire ce que je pense !
- Parfait. Tu vois que tu es intelligente !
Mouais...
Cinq mois plus tard...
M'y voici à cette fameuse formation et au final je m'amuse.
Pas parce que la coach est
volontairement drôle mais parce que j'ai l'impression d'être à
cette formation en tant qu'observatrice. Un peu comme si je flottais
au dessus des participants et que je regardais le déroulement de la
journée. Je m'amuse de voir les autres participantes
prendre pour argent comptant et parole de bible tout ce
que dit cette coach, de les voir prendre note de la moindre syllabes
sortant sa bouche allant même jusqu'à sortir le dictaphone
pour ne pas en perdre une miette.
Les
test de personnalité à la « Jeune et Jolie » pour savoir si je suis
plutôt pour les ronds, les triangles ou les
carrés ; les abrévations mnémotechniques du type « pensez P.P.P.
comme Présence Physique Positive » et les apports théoriques tels que « le but est d'apprendre à circuler
sur la même autoroute de communication que les autres » s'enchainent, j'ai l'impression d'être dans le film « Le séminaire » et j'apprends que j'ai un cerveau gauche.*
La
journée s'achève, le slogan de la formation est annoncé "ni hérisson, ni
paillasson", quatre jours sont encore à venir... J'ai
hâte de connaître les résultats des test de personnalité pour
lesquels j'ai du répondre en procédant par élimination puisque je ne me
retrouvais pas dans les réponses !
* Pas
de lien avec un parti politique ou avec la main que j'utilise pour
écrire. Mon cerveau gauche est
le résultat d'un test démontrant que j'ai une préférence pour les
faits, les chiffres et les mots, les détails, les choses organisées,
construites,cérébrales et méthodiques. Concernant les
cerveaux droits, leur letmotiv est l'affectif, ils ont une
préférence pour les images, les dessins, ne voient pas les détails mais
l'ensemble, sont extravertis, vivent dans un « bordel
organisé ». Si vous voulez vous amuser à savoir de quel bord est
votre cerveau, regardez l'image qui suit. Vous voyez une vache ? Normal,
vous regardez l'ensemble, vous êtes cerveau
droit. Vous voyez l'Europe vue du ciel ? Normal aussi, vous passez
en revue les détails et cherchez où se trouve la France. Vous êtes
cerveau gauche ! Autre test avec le logo de
Carrefour : vous voyez deux flèches (une rouge et une bleue), vous
êtes cerveau gauche. Vous voyez un C sur un losange rouge et bleu, vous
êtes cerveau droit.
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