samedi 23 novembre 2013

La stagiaire Tante Sociale

(Article écrit en avril 2012)

Depuis février j'accueille ma première stagiaire. Je ne sais pas encore si je vais par la suite vous reparler d'elle donc dans le doute, je vais la prénommer Murielle.

Murielle a 23 ans et est en 2e année. Elle fait ses études d'assistante sociale dans l'école où j'ai suivi ma formation. Lorsque j'ai reçu sa demande de stage, j'ai fait comme pour les autres : je l'ai lue vite fait et puis je l'ai mise de côté, dans le tas avec toutes les autres, sans intention d'y répondre tout de suite.

Puis j'ai reçu un mail de ma chef qui avait pour objet « stagiaire », ce qui a attiré ma curiosité. Dans ce mail, elle m'expliquait que cette jeune fille devait effectuer son stage initialement ailleurs, mais faute de budget, celui-ci s'est annulé à la dernière minute. Murielle se trouvait donc en retard d'un mois dans son stage vis à vis de l'ensemble de sa promotion et l'appel au secours était donc lancé.

Comme toute bonne Sainte Rita, je me suis donc dévouée pour me lancer dans cette folle aventure mais non sans quelques appréhensions. Je n'exerce mon métier que depuis moins de quatre ans et un tourbillon de questions en découle :

  • Suis-je capable de transmettre, d'apprendre, de faire découvrir mon métier correctement ? 
  • Est-ce que je maîtrise suffisament mon métier ?
  • Est-ce que j'ai la prestance d'une formatrice ?
  • Est-ce que je suis suffisament organisée, professionnelle pour laisser quelqu'un voir mon travail cinq jours sur cinq ?
  • Et si je n'y arrive pas ?

Alors que je commençais à me sentir à l'aise dans mes fonctions, dans l'association et dans l'équipe qui m'entoure. Alors, et oui j'ose le dire, que j'avais (enfin!) confiance dans le boulot que je produis, voilà qu'une simple candidature vient tout bousculer.

Le week-end avant l'arrivée de Murielle, j'ai quasiment appris par cœur son livret de stage. Pour me rassurer, pour être sure de savoir à quoi je devais lui servir. Mais je dois avouer, je me suis retrouvée un peu perdue. Exactement le même sentiment que lorsque j'étais étudiante et que je découvrais mon propre livret de stage (qui au passage est resté exactement le même pour celui de Murielle).

Des mots qui torturent m'ont sauté aux yeux : « posture professionnelle », « éthique », « déontologie »... Des mots que je n'ai jamais vraiment compris ! Cette boule au ventre... Je ne l'ai plus ressentie depuis l'obtention de mon diplôme, symbole de ma libération du monde « scolaire ». Maintenant, je ne suis plus « notée », « évaluée », « jugée » sur mon travail. Je ne risque plus l'échec, je suis embauchée. L'évaluation annuelle que je fais avec ma chef chaque année ne met pas mon futur en jeu, je n'ai rien à perdre.

Ma peur du jugement revient...

Mon premier jour avec Murielle, j'ai vite été rassurée en voyant que je l'impressionnais ! Hahaha, ce sentiment de pouvoir m'a requinquée! Je me suis revue à sa place, il n'y a pas si longtemps que cela, à mon premier jour de stage de 2e année.

Un petit cartable bien rempli, une trousse débordant de stylos neufs et de fluos qui fonctionnent, un bloc note à l'odeur de nouveau, la règle de 20 cms sortie pour souligner la date du jour, les lunettes sur le nez... Murielle est en face de moi, stressée et attend que je prenne la parole.

Une pile instable des dossiers de mes suivis à ma gauche, mon fax qui n'arrête pas d'imprimer des pub pour un système de sécurité à tarif réduit à ma droite, mon calendrier de 2009 positionné au centre de mon bureau et qui me sert de sous-main, sous mes mains justement et mon stylo feutre bleu ouvert, en train de séché... Je sais que je dois prendre la parole mais je ne sais pas ce que je dois dire.

« Et bien voilà, nous y sommes, ton premier jour. » Les festivités sont lancées. A compter de cette phrase, je ne vais plus m'arrêter : présentation de l'asso, de mon boulot, organisation de la semaine, questions-réponses... Jusqu'à ce que ma gorge me rappelle que quand on parle plusieurs heures de suite à un moment, il faut boire. Ca tombe bien, il est déjà 17h30, première journée terminée.

Toute la semaine défile et chaque soir je rentre avec des maux de tête et le cerveau fatigué. Sans cesse expliquer pourquoi je fais ça et pas autre chose dans cette situation, d'où vient ce dispositif, pourquoi ce monsieur n'a pas droit à telle aide, je n'imaginais pas cela si prenant.

Murielle est une stagiaire très intéressée, curieuse et qui montre qu'elle a bien l'intention de retirer un maximum de son stage auprès de moi. Ses interrogations sont certes épuisantes mais me remettent aussi en question. « C'est vrai tiens, pourquoi je fais ça et pas autre chose pour ce monsieur ? » Je me rends compte que j'ai beaucoup d'automatismes. Alors depuis, je tente de faire attention et de prendre de nouveau le temps d'analyser davantage les situations.

Comme quoi, c'est sympa quand même une stagiaire !


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